Lointaine de la raison

Les flammes. Les "Dragons". LA douleur. Elle se souvenait de tout ça. Tout cela était ancré en elle, désormais, et elle aurait à vivre un moment avec le lancinant souvenir de la terreur qu'elle avait ressenti, ce jour-là. Une fois les six envolés, restait la mer de flamme. Elle s'en était allée, marchant au hasard, revenant sur ses pas sans même s'en rendre compte. Elle avait traversé la plaine, puis la terre aride, commençant sa traversée de nuit cette fois. Auprès d'elle, un jeune oiseau de couleur bleu qui tantôt voletait à ses côtés, tantôt était posé sur son épaule ou sur sa tête. Elle n'avait pas dit mot. Et l'oiseau avait depuis longtemps cessé de piailler, de s'acharner pour tirer quelques mots de la jeune fille. Ses ailes de noires plumes repliées dans son dos, ses cornes dissimulées sous sa capuche, son visage blanc et ses yeux couleur de sang dissimulés à demi dans l'ombre de celle-ci, les habits et la peau sale, couverte de poussière, elle marchait, sans faire trop attention à ce qui l'entourait. Elle tremblait encore, légèrement, indiscernable. Lorsqu'elle ne chassait pas, lorsqu'elle ne se concentrait pas sur quelque chose, son pas était mal assuré. La jeune Yokaï des Illusions sentait encore sur sa peau la Présence commune qui émanait de ces Dragons, celle qui la terrifiait, celle qu'elle ne comprenait pas, celle qu'elle ne voulait pas recroiser mais, elle le sentait, qui la hanterait longtemps encore. La terre aride et chaude était devenue une terre meule, le sol sous ses pieds nus était devenu humide. Autour d'elle, la terre nue et l'herbe desséchée avait laissé place à de l'humus, d'imposants arbres entre lesquels elle se déplaçait, évitant parfois de justesse les troncs d'arbre, au grand désespoir de Kazemi, la phénix qui l'accompagnait.

Elle marchait, sous ce plafond de feuilles, elle marchait sans vraiment regarder devant elle. Sans faire attention à toutes ces Présences qu'elle ressentait. Si bien qu'elle finit par s'étaler par terre. La chute lui fit reprendre ses esprits, elle écarquilla les yeux. Les mains loin devant elle, étalée tout du long, elle ramena ses mains à elle pour se redresser et s'asseoir. Elle secoua la tête avant de regarder ce qui l'avait fait tomber. Des... Jambes. Elle se releva, s'approcha de la créature en la détaillant. Vêtue d'une cape sombre et d'une paire de bottes, il y avait là une jeune femme possédant des ailes semblables aux siennes, si ce n'était leur couleur blanche éclatante. Ses cheveux étaient de couleur étrange, et Kamyu, ignorante de toute notion de prudence ou d'âge, tendit simplement sa main vers l'ange.

- Désolé... Ca va ?

L'ange hocha la tête et déglutit. il y avait dans sa Présence quelque chose de similaire à ce qu'elle avait ressenti, avant de ressentir pleinement les Présences des Dragons. Similaire, mais différent. Elle ne pouvait pas encore mettre de mot dessus. Voyant que sa compagne d'infortune ne semblait disposée à se relever, Kamyu s'assit à son tour. Talons sous les fesses, dos des pieds contre le tapis de mousse et de feuilles de la forêt, Elle posa ses mains sur ses genoux. La plaie au dos de sa main s'était refermée correctement, mais faute d'avoir utilisé sa magie, la marque en resterait quelques temps après la guérison complète de la blessure. Les ailes blanches de l'inconnue l'intriguait, elles étaient si différentes de ses Ailes de plumes noires... Quelques peu négligées ces derniers temps. Elle les étendit dans son dos et tourna la tête pour les regarder, puis posa son regard sur celle de l'ange.

Kamyu tendit la main, mais s'abstient de la poser sur l'aile de la jeune femme en se rappelant la sensibilité de ses propres Ailes. Peut-être n'aimait-elle pas que quelqu'un touche les siennes..? La jeune Yokaï n'était pas sûre d'apprécier telle situation. Elle avait déjà rencontré des Démons, et leurs Ailes écailleuses. Mais jamais d'Ange. Leurs Ailes étaient si semblables.. Et si différentes à la fois ! La couleur des plumes était-elle la seule différence ? Sans avoir un seul élément de réponse, la jeune fille aux cheveux blancs en doutait. Elle commençait à ramener sa main vers elle lorsque la jeune phénix bleue se mit à piailler quelque chose en lui donnant des petits coups de bec.

- S'il faut que tu t'étales par terre pour dire quelque chose, je vais t'y aider !

Kamyu ramena ses bras au-dessus de son crâne, dans une vaine tentative de se protéger des coups de bec de son amie à plume. Elle leva les yeux vers Kazemi, une larme à l'oeil à cause des coups répétés.

- Aïe, aïe ! Ca fait mal, Kazemi ! Arrête ! Je ne le ferais plus, alors arrête !

[Si ton perso comprend pas Kamyu, les noms restent les mêmes et sont compréhensibles ]

De la même manière dont Kamyu était intriguée par cet être, cette Ange dont elle ne savait rien, il lui semblait que la jeune femme s'arrêtait sur ses Ailes, ainsi que sur ses cornes. Se demandait-elle qui elle était ? Elle n'en était pas vraiment sûre, puisqu'elle gardait un œil sur sa compagne à plumes. Un puissant battement d'ailes créa un courant d'air, qui poussa la jeune fille et l'oiseau à regarde en direction de l'Ange. Celle-ci approcha, et posa sa main sur la tête de Kamyu. La Yokaï des Illusions leva la tête, laissant retomber son capuchon. Ses longs cheveux blancs retombèrent librement dans son dos, touchèrent le sol. Ses cornes ainsi dévoilées, de couleur ébène, dépassaient de ses cheveux, partant des côtés de sa tête pour se dresser au-dessus. Ses yeux couleur de sang étaient désormais complètement exposés à la lumière, et elle dû les fermer quelques instants afin de s'adapter à ce changement soudain.

Cette main, sur sa tête... Elle ne comprenait pas vraiment ce geste, même si ce n'était pas désagréable. Habituellement, Kazemi s'y nichait, et nul autre être s'en approchait autant. Kamyu regarda son interlocutrice quelques instants, avant que sa phénix de vienne se poser sur son épaule. Elle la désigna avant de prendre une nouvelle fois la parole.

- C'est Kazemi, une phœnix. Elle est avec moi depuis le début.

La gamine aux cheveux blancs passa son index, cette fois-ci devant elle. Devait-elle se présenter également ? En tout cas, c'est ce qu'elle fit.

- Je suis Kamyu.

La jeune fille resta immobile et attendit, ne sachant pas vraiment comment elle devait se comporter.

Une nouvelle fois, l'ange ne prononça aucune parole. Cela ne gêna nullement Kamyu, qui n'y prêta pas plus attention que ça. Elle non plus ne savait trop comment agir, réagir. Elle se contenta de regarder la jeune femme, ses yeux rouges écarquillés. Elle non plus ne pouvait la comprendre ? Il lui semblait pourtant pouvoir parfaitement la comprendre. N'était-e donc pas réciproque ? Ou était-ce là le prix à parler pour pouvoir librement converser avec son amie à plumes ? A moins que la jeune femme n'aie juste pas bien entendu. Une nouvelle fois, elle pointa du doigt la jeune phoenix bleue.

- Kazemi.

Elle se désigna elle-même.

- Kamyu.

Elle pointa son doigt sur la jeune femme.

- Qui es-tu ?

Elle regarda l'ange quelques instants, avant de détourner son attention ailleurs. Elle n'avait pas vraiment faim, mais elle savait qu'elle devait manger. Pour elle ne savait trop quelles raisons, les traces de pattes d'un lapin avait attiré son attention. Elle les suivit. A défaut d'avoir une corde ou quoi que ce soit qui lui permettrait de poser un piège, elle surveilla le sens du vent et essaya d'étouffer le bruit de ses pas. Elle surveilla sa proie, un lapin brun, le suivit quelques temps dans la forêt, jusqu'à ce qu'il soit occupé à grignoter quelques plantes. Elle choisit ce moment pour lui sauter dessus et lui briser le coup. Elle resta là quelques instants, dos tourné, à contempler sa proie. Chasser n'était pas son passe-temps favori. Elle se releva et retourna vers l'ange. Peut-être, elle aussi, avait-elle faim ?

Une chose était sûre, elle n'aimait pas la sensation de prendre une vie. La jeune Kamyu prit le lapin contre elle. Si ce corps avait pu se passer de manger, elle l'aurait fait volontiers. La viande de lapin n'était pas mauvaise, mais elle pensait pouvoir en faire quelque chose de mieux si elle trouvait quelques herbes avec lesquelles la "cuisiner". Elle se mit donc à farfouiller à droite à gauche, à la recherche des précieuses herbes. Lorsqu'elle en repérait certaines, elle les reniflait et les goutait afpin de savoir si oui ou non elle allait les prendre. La gamine finit par sélectionner quelques tiges qu'elle récupéra, et une autre plante que Kazemi lui indiqua en piaillant.
Si elle voulait faire cuire le gibier, il lui fallait faire du feu. Kamyu prit conscience de la présence de l'ange qui l'avait suivi, plaça le lapin et les plantes entre ses mains et ramassa du bois sec. Une fois qu'elle jugea en avoir assez, elle chercha un coin légèrement dégagé où elle alluma son feu. Elle récupéra le lapin, sortit l'une de ses dagues et l'ouvrit de façon à enlever la peau et les organes, qu'elle remplaça par une partie des herbes. Elle prit les herbes restantes, les approcha du feu afin de les enflammer et les laissa brûler au-dessus du lapin, afin que les cendres tombent dans la carcasse de l'animal. Cela devrait lui apporter un goût légèrement salé. Kamyu creusa un trou dans lequel elle déposa les entrailles de l'animal, avant de les recouvrir de terre, puis chercha quelque chose qui l'aiderait à faire cuire le lapin.

Quelle était cette sensation..? Elle l'ignorait. Incapable de lire dans les Présences, elle ignorait tout des sentiments qu'elle pouvait insuffler chez les autres. La jeune Yokaï finit par récupérer des lianes ou tout autre végétal pouvant l'aider, et attacha le lapin au bâton en sa possession. Faute de mieux, elle planta ses dagues dans le sol et s'en servit pour maintenir le bâton au dessus du feu. Elle jeta un coup d'oeil rapide à Kazemi, cherchant à savoir si son compagnon à plumes avait besoin de quelque chose qu'elle puisse chercher, avant de reporter son regard sur l'ange. Il lui semblait que la distance entre elles était plus importante, mais Kamyu ignorait bien comment réagir dans cette situation. Lot qu'elle devait à sa peau trop blanche et à ses yeux rouges, preuve incontestable de son statut d'albinos, la Yokaï était bien incapable de supporter la chaleur d'un feu, c'est le principal élément qui la poussa à reculer quelque peu. Mais si elle devait manger, il lui faudrait bien s'en rapprocher à nouveau. Tant pis, elle attendrait ici que le lapin cuise. Elle désigna l'animal sur le feu à l'intention de l'ange avant de prononcer ces quelques mots :

- Tu as faim ? Sers-toi, si tu veux.