Ce monde qui nous est inconnu

J'étais un caillou, ce petit caillou qu'on jette un peu partout, qui frappe du pieds plus par ennui que par réel intérêt. Je m'envolai. La chute fut dure, brutale, nette. J'étais tout proche de la créature maintenant, je me relevai vite, et bien avant qu'elle n'ait eu le temps de s'éloignait, je la frappai du pied, plus rageur qu'autre chose. Je revenais alors à la charge vers l'humain, tentant de le frapper de toute ma maigre force. Il se protégea de son étrange membre, mais le coup si fut fort qu'il heurta lui-même son propre visage. Le sang coula, enfin. Je souris. Mais il referma sa main sur mon poing, lacérant ma peau et mes muscles, rendant inutilisable ce membre. Il me souleva alors et me projeta sur le sol, mon épaule se déboita à l’impact.

- Comment as-tu osé ?

La question était claire, limpide, ma réponse ne l’était-elle pas. Oser lui faire ça, hein… Je ne serai pas le dernier à lui faire du mal, sauf si j’arrive à le tuer aujourd’hui. Chose difficile avec un bras en moins. Je ris. Il me tenait, prêt à me tuer une bonne fois pour toute. Etait-ce la solution ? La mort ? Je voulais m’amuser, pourtant. La bête se jeta entre nous deux, attrapa le poignet du garçon qui me lâcha sous la surprise. Elle grognait. Elle se mit alors au-dessus de moi et m’attrapa le col. Je sentais la rage bouillonner en elle, elle me fixait de ses grands yeux rouges.

- Mais tu vas te reprendre oui ? Pourquoi tu fais-ça ? POURQUOI ? Si tu te reprends pas je te plante mes crocs dans la gorge et je te déchiquète !

Le liquide rouge affluait de sa bouche, elle tremblait de colère. Me reprendre, comme si j’en avais envie. Je tapais le sol du poing, et je ris de plus belle.

- Tu piges vraiment rien, toi. Personne ne comprend, en fait. Je sais pas d’où tu viens ni comment tu es née, tout ce que je sais c’est que mon histoire est pourrie et que j’en ai marre. Je me reprendrai quand tout ira bien et qu’on aura répondu à mes questions, je me reprendrai quand on m’expliquera tout ce bordel ! Vas-y, tue moi. Tu es comme moi, après tout. Ca se sent, tu es perdue.  

Je souris.

- Ouai, finalement tu pourrais même me comprendre un peu si tu le voulais. Je vais même t’aider.

Je ponctuais ma phrase d’un coup de poing rageur dans son ventre, et d’un regard provocateur.

Ki-Ja sentit la poigne de la créature sur son poignet humain, et se retrouva sur le côté, surpris et déséquilibré. Il se ressaisit, admirant ce qu'il avait fait. Une fois dans le combat, il n'avait plus pensé qu'à vaincre son adversaire, et cela lui faisait légèrement peur. Il était capable de faire une chose pareille, pensa-t-il en regardant le bras déchiqueté de l'enfant. Il posa ensuite ses yeux sur l'être furieuse, qui agrippait le col du vêtement d'Utopie, lui crachant au visage ses premières paroles intelligibles.

« Mais tu vas te reprendre oui ? Pourquoi tu fais ça ? POURQUOI ? Si tu te reprends pas je te plante mes crocs dans la gorge et je te déchiquète ! »

Toujours abasourdi, le jeune homme observait la scène distraitement, occupé par le tour qu'avait pris son premier combat. Lui s'était juste déchiré la lèvre, quand le gamin avait le bras en lambeaux et l'épaule déboîtée.

« Tu piges vraiment rien, toi. Personne ne comprend, en fait. Je sais pas d’où tu viens ni comment tu es née, tout ce que je sais c’est que mon histoire est pourrie et que j’en ai marre. Je me reprendrai quand tout ira bien et qu’on aura répondu à mes questions, je me reprendrai quand on m’expliquera tout ce bordel ! Vas-y, tue moi. Tu es comme moi, après tout. Ça se sent, tu es perdue. »

Ki-Ja entendit clairement ces propos, puis il vit le gosse sourire, bouger rapidement les lèvres et décocher un violent coup de poing dans l'abdomen de l'inconnue. Ce fut ce geste qui le fit réagir, et il se leva et plaça son pied au-dessus du bras à vif, avant d'appuyer implacablement dessus.

« Et tu crois que c'est en agressant d'autres personnes que ta vie va aller mieux, sombre crétin ? Comment veux-tu qu'on puisse comprendre un psychopathe qui ne sait qu'insulter, menacer et frapper ? Et je ne pense vraiment pas que tu sois en position de faire des choses pareilles désormais, alors tu as tout intérêt à te calmer. »

Il vagabondait. Pourquoi pas, après tout ? Il n'y avait plus aucune urgence, et rien qu'il ne désire faire immédiatement. Il se baladait, donc, sur ce monde qui était sien, ou qui ne l'était pas, il ne le savait pas vraiment et s'en moquait bien. Il y avait là source de distraction, c'était là tout ce qui l'importait. Et si pour cela il devait faire entrer en éruption un ou deux volcans, allumer un ou deux feux de camp, cela lui allait bien. Pourquoi pas, après tout ? Nul ne s’apercevait de sa présence, avant qu'il ne la manifeste. Pourquoi ? Il s'en moquait, mais n'était-ce pas parce qu'il faisait partie de l'essence même de ce monde ? A cette pensée, il rit. Il vagabondait en ce monde, et voilà qu'il tombait sur un bien étrange trio. Un humain au bras draconique, une Yokaï que ses confrères avaient voulu bénir d'une bien étrange façon, et un Démon aux nerfs bien fragiles qui semblait prêt à commettre l'irréparable. Alors, comment la Yokaï allait réagir ? Eleïssen, c'est le nom que ses créateurs lui avait attribué.  Allait-elle s'en sortir ? Il allait observer sa réaction.
Mais ça ne suffirait pas, il le savait. La situation était problématique, et de fait, intéressante. Il ne pouvait s'empêcher de rire de la scène. Peut-être devrait-il plus se pencher sur ces âmes ? Il trouverait là une autre source de distraction. En attendant, il voulait éviter un massacre d'avoir lieu. Terre, Lune et Ténèbres ne seraient pas contentes de perdre leurs protégés. Eh bien, il pouvait agir, après tout, non ? Il rit, créant des flammes autour de ces êtres, les séparant, les brûlant. Les brûlant ? Pas tout à fait, la sensation restait la même. Mais il allait refermer ces plaies, ces blessures, il serait dommage qu'elles soient mortelles, non ? Les cicatrices resteraient, mais il s'en moquait. Maintenant, il allait regarder ces êtres courir, les poursuivant de ses flammes. Il avait le droit, non ? Il allait simplement éviter de brûler la forêt, le Shin'rin qui l'occupait ne serait pas content s'il le faisait. Mais ces humanoïdes ne verraient pas la différence. Il était le feu, après tout.

Avez-vous eu, Originaux, le temps d’apercevoir cette salamandre dans les flammes, avant de courir pour vos vies, pour ne pas être plus brûlés que vous ne l'êtes déjà ? Vous ne constaterez l'état de vos blessures que plus tard, lorsqu'enfin les flammes se seront éteintes. Mais vous serez seuls, de nouveau. Le savez-vous .

« Tu piges vraiment rien, toi. Personne ne comprend, en fait. Je sais pas d’où tu viens ni comment tu es née, tout ce que je sais c’est que mon histoire est pourrie et que j’en ai marre. Je me reprendrai quand tout ira bien et qu’on aura répondu à mes questions, je me reprendrai quand on m’expliquera tout ce bordel ! Vas-y, tue moi. Tu es comme moi, après tout. Ça se sent, tu es perdue. Ouai, finalement tu pourrais même me comprendre un peu si tu le voulais. Je vais même t’aider»

Il souriait, vaniteux et sûr de lui, pourquoi était-il comme ça ? Cet être le répugnait, l’exacerbait. Oui elle était perdue. Oui elle n’avait nulle part où aller, nulle personne sur qui compter mis à part Niri. Mais utilisait-elle ce prétexte pour apporter la souffrance aux autres ? Elle n’avait pas envie de répondre, la colère montait en elle et alors qu’elle voulut planter ses dents dans son épaule, lui faire comprendre, lui faire payer, sans le tuer, non il devait encore apprendre, il était encore jeune, il pouvait encore changer, l’enfant lui décocha un nouveau coup de pied, moins puissant mais toujours douloureux dans le ventre. Elle eut le souffle coupé et relâcha sa prise. L’humain quant à lui écrasa le bras endommagé du gamin, le menaçant, elle ne l’écouta pas. Elle ne pouvait, le sang à ses tempes battait trop fort, le chaos en son esprit était trop important. C’était l’impertinence en trop. Il le voulait tant que ça mourir ? Alors elle le lui offrirait sur un plateau d’argent. Alors qu’elle se jetait cette fois-ci à sa gorge pour y planter ses crocs, un feu soudain apparut dans la clairière, au milieu d’eux. Elle hurla tel un animal effrayé, Elle recula, récupéra son arme. Elle sentait encore la sensation des flammes qui léchaient son corps, ça faisait mal et son instinct lui hurlait de courir. Elle oublia les deux inconnus, sa rage, sa douleur, même le goût du sang dans sa bouche s’était dissipé dans sa peur de cet incendie. Elle courut, prise d’une nouvelle et dernière énergie, prenant Niri sur son épaule, loin, loin du feu et de la souffrance.

Épuisée elle finit par s’écrouler conte un arbre, l’odeur de brûlé collait à sa peau, mais elle était vivante. Elle se sentait bien, comme si ses plaies étaient réparées. Cela faisait du bien et sans demander son reste, elle s’endormit pour un bon sommeil réparateur.

Ki-Ja ne fut pas surpris par la soudaine attaque de l'être, mais plutôt par ce feu qui se déclencha comme par magie autour d'eux. Affolé, il fuit sans même vérifier où étaient partis les deux autres, cachés par les flammes. Il fonça dans la forêt enflammée, se protégeant tant bien que mal de sa main draconique des crépitements et de la chaleur. Mais cela semblait ne servir à rien, le feu léchait sa peau fragile et lui arracha des gémissements de douleur. L'air était irrespirable, envahi par cette fumée grasse qui pénétrait sa gorge.

Après il ne savait combien de temps de course effrénée, le jeune homme s'adossa à un arbre, le corps meurtri. Il ne voyait plus les flammes, ni Utopie, ni la créature. Il était de nouveau seul. Ce n'était pas plus, réalisa-t-il. Quand il glissa le long de l'arbre, il couina de douleur alors que l'écorce frottait contre sa peau endolorie. Il était éreinté par la bataille, et la course. Sa main avait repris sa taille normale, et il remarqua que les écailles n'étaient plus si immaculées, désormais légèrement noircies. Il lui semblait que ses articulations grincèrent quand il tenta de s'allonger, et il sentit bientôt l'herbe sylvestre contre sa joue. Ses paupières tombèrent d'elles-mêmes, forçant presque leur propriétaire à se reposer après tant d'émotions.

Des flammes embrasaient la terre, léchaient ma chair et brulaient le peu de courage qu'il me restait. Je brulais dans cet enfer, je faisais tout pour m'échapper, courir, ramper, tomber et se relever, courir à nouveau. Je m'écartai de plus en plus des deux autres êtres, mais une chose était sûre. J'allais les retrouver. Pour me venger de l'humain, premièrement, lui broyer les os et rire au dessus de son corps inanimé avant de lui donner le coup de grâce. Et pour la bête... j'avais un tout autre plan. Mais la situation actuelle, ce feu ardent qui m'entourait, ma fatigue, ma faiblesse et l'état de mon corps m'empêchaient de faire quoi que ce soit, je n'étais bon qu'à fuir.

Puis la question vint pendant ma course effrénée, d'où venait donc ce feu ?

Et elle repartit au moment ou les flammes frôlèrent mes cheveux, au moment où je pensais à ma pierre, disparue au loin, loin de moi. Finalement, sans elle, j'étais faible et incapable de me contrôler. Bientôt, je m'éloignai de mon poursuivant surnaturel et, épuisé, je m'affalais contre l'arbre le plus proche. Il faisait froid, le vent faisait chanter les arbres et les oiseaux entonnaient un doux requiem. Le souffle saccadé, les yeux clos, j'attendais le futur.

Une idée, une objet perdu et une vengeance, voilà tout ce qu'il me fallait pour avancer.

Eleïssen : 50 xp - 22 oris
Utopie : 45 xp - 22 oris
Ki-Ja : 44 xp - 22 oris